Yamadera no Mura
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Nasake sous le soleil printanier

mercredi 6 décembre 2006, par caro

Le soleil printanier dardait quelques faibles rayons de lumière sur le parquet du temple. Un homme se trouvait dans la grande pièce, assis en seiza et tournant le dos à la gigantesque statue de bronze de Bishamôn. Il était grand et bien bâti, les muscles noueux, le crâne parfaitement rasé. Il regardait d’un air sévère un petit bout de fille assise maladroitement sur ses chevilles, les cheveux en bataille, le visage sale excepté les deux longues traces propres sur chacune de ses joues et les vêtements écorchés en de multiples endroits.

  Nasake !

La voix du moine s’abatit rude et tranchante sur les épaules de la fillette qui regardait ses mains. Un silence lourd comme du plomb…

 Nasake ! J’attends tes explications !

Le moine eut pour seule réponse un reniflement nasal, puis le silence se fit de nouveau. Puis il repris la parole, le ton plus paternel.

 Nous étions inquiets. Tu n’étais pas dans ta chambre quand je suis venu te réveiller ce matin peu avant l’aube. Où étais-tu ?
 Sum… Sumimasen Genkaku-sama… Je… Je suis allée voir Gankosa.

 Qu’est-tu allé faire là-bas ? Méditer, j’espère ?

 euh… non… euh… je… Vous vous souvenez la semaine dernière quand je vous ai parlé de ce rossignol blessé. Et bien, il semblait allé mieux hier… alors je me suis dit qu’il fallait qu’il retrouve son habitat et qu’il réapprenne à voler et à se nourrir parce qu’il aurait malheureux en cage alors je me suis dit…

 Stop !

La petite fille rougit de honte en se rendant compte qu’elle s’était un peu emballée.

 Tu es en train de me dire que tu t’es amusé à grimper sur notre ginko sacré ?

 Mais… je ne m’amusait pas maître ! Il y avait ce jeune oiseau blessé et Gankosa est l’arbre le plus grand, il serait à l’abri des prédateurs et…

 Stop !

De nouveau, la honte, le rouge, l’embarras…

 Déjà l’année dernière quand tu avais entrepris de couper une pousse de Gankosa pour en faire un bonsaï, je t’avais expliqué le caractère sacré de cet arbre ! Et aujourd’hui tu oses me dire que tu l’as profané en grimpant dessus !

Cette fois-ci c’est le visage du moine qui commençait à s’empourprer alors que celui de la petite Nasaké tournait plutôt au livide.

 Mais… je… euh… je voulais bien faire m…

 Silence !

Dehors, non loin de là, au même instant, un jeune moine en train de balayer la cour du temple leva la tête en direction de celui-ci. On dirait que Nasaké a encore des ennuis, se dit-il en se remettant au travail tout de suite.

A l’intérieur du temple, le moine avait souligné son ordre en levant un genou et en posant brutalement son pied qui résonna dans un grand « tak » à travers la grande pièce. Devant ce mouvement de colère à son encontre, la petite fille se replia un peu plus sur elle-même, ne formant plus qu’une grosse boule de tissu abîmé assorti d’une grande touffe de cheveux hirsutes dans lesquels un œil observateur aurait remarqué quelques feuilles vertes de ginko…

 Tu sais ce qui t’attends ?

 H… Haï, Genkaku-sama
 Alors va. Disparaît de ma vue !

La fillette se releva, le menton toujours pendant contre sa clavicule. Elle s’inclina briévement puis disparut vers la sortie du temple. Quand elle fut sortie, le bruit de ses pieds nus claquant sur le parquet résonnait encore.

Le noir… la journée semblait si belle et commençait si bien, elle ne pouvait se résigner à l’idée de s’en passer le restant de la journée dans cette sordide pièce obscure. Elle se remémora la première fois qu’elle avait été punie de la sorte. C’était pour une sombre histoire de bagarre avec un gamin du village qui s’était moquée d’elle. Son maître Genkaku l’avait enfermée dans cet ancien poulailler puant. L’endroit était étroit et les poules avaient été déménagées dans un endroit plus adapté à leur nombre grandissant. Elle avait pleuré au début. Puis elle s’était habituée au noir et à l’odeur de paille pourrie. Mais ne tenant décidément pas en place, elle avait très facilement trouvé une issue qui lui permettait de se faufiler hors du temple et de la surveillance étroite des moines du temple. Après tout elle ne faisait que mettre en pratique les leçons de Genkaku-sama…

Aujourd’hui il faisait beau et elle n’avait pas l’intention de perdre de précieux instants en étant enfermées. Elle déplaça un peu de paille, manipula quelques planches et rapidement elle disparut sous le plancher. D’ici elle pouvait ramper sous le poulailler et rejoindre le dessous du passage en bois couvert qui communiquer avec le temple, en faisait le tour et repartait vers un bâtiment annexe. De là, elle pouvait aisément grimper par-dessus le mur d’enceinte et il ne lui restait plus qu’à courir vers sa liberté temporaire. Elle savait qu’il fallait qu’elle soit rentrée dans son isolement avant que le soleil ne soit à son zénith. Malgré sa punition elle n’échappera pas aux rituelles séances d’exercices et de méditation de l’après-midi.

En attendant, elle comptait bien profiter à sa manière de cette première journée de printemps...


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